"Dieu est mort, on a retrouvé son cadavre
dérivant en orbite autour de Cassiopée en 2019"
Philip K. Dick, Message de Frolix-8.





samedi 23 février 2008

9.

Guerre à Lille — indépendantistes flamands contre japonais, je crois — qui trahir, par amour de quoi, comment se sauver après s'y être préparé toute sa vie, comment regarder cela à la télévision, en ferai-je une œuvre par appropriation ?

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Le mois de mai 200* en Flandres aura eu de remarquable ses outrances de ciel — au point que j'abandonne quelques instants mes histoires de cul et mes errements allégouriques pour en gratter deux mots — mais j'ai pris garde de laisser ma caméra dans son étui, que pourrais-je en fixer ?

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Les nuées grandiloquentes au-dessus des briques noires de Lille en guerre dessinent avec le même mauvais goût ce dont Erro a fait son système, selon cette absurde loi moderne qui fait qu'un artiste peut n'avoir qu'une seule idée dans sa vie et l'exploiter jusqu'à la vider totalement, à la grande joie de son galeriste.

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Tu m'ennuies — tu m'ennuierais moins si je t'avais garrottée sur une planche, un manche de hache dans le cul et une canette de Red Bull dans l'oignon, à te fendre les tétons au rasoir et te pisser dans la bouche — mais tu n'as envie de rien, tu t'ennuies, tu m'ennuies, tu m'ennuies plus que mes enfants de poussière qui pourtant sont pas liants-liants, pas causants-causants, pas émouvants, et qui bougent pas et fragiles avec ça !

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Ventres révélés entre T-shirt et Jeans comme sourires de Cheshire ou vulves horizontales — de monstresses, de sorcières, de banshees, de sylphides, de chinoises, de lamies, de stryges, de succubes, de walkyries, de shambleau — on reste à la mode à Lille en guerre…

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Éviter les barrages sur l'autoroute de Gand un vendredi soir pour aller danser au Fuse à Bruxelles.

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

M'aime !

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Je mange des noodle soups rose fluo avec du soja en regardant à la télévision des documentaires sur les chamans du Népal qui boivent de l'huile bouillante dans leurs cloches et affrontes les nâgas des lacs d'altitude — je les assaisonne de cette feuille sans nom que j'aime tant et qui n'a pas d'effets psychotropes.

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Je me peins la partie inférieure du visage en noir, mon front clair par contraste est comme un ciel flamand au-dessus de Lille en guerre — un sniper se cache dans la lanterne surplombant les toits de la poste de la place de la République des Médiocres.

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

D'un geste vif inciser d'une lame vive le contour du visage à prélever : os rouge.

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Je regarde une baigneuse à plat ventre sur un body board, abordant la plage les seins en avant, au bout d'une vague — c'est comme si l'océan m'offrait une naïade sur un plateau, mais pour conserver l'illusion je dois la refuser — à côté, au milieu d'un groupe de surfers, une fille nue, enceinte, tatouée, aux tétons percés, n'en finit pas d'avoir l'air heureuse : à quoi est-elle défoncée ?

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Je joue avec Clea, la fille de mes amis, elle a cinq ans, un peu hollandaise, un peu grecque, sachant juste assez de français pour me faire des blagues, mon nom est difficile à prononcer pour elle, mais j'ai toujours aimé l'entendre déformé par différents accents (espagnol, anglais, suédois, irlandais, japonais, allemand, hollandais…), cela toujours m'enchante, j'en veux plus, par exemple il me manque encore le cantonais — ce serait un peu comme si Faye Wong me parlait.

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

De mai à septembre, le ciel Lille a surenchéri ses effets de nuées — ou c'est moi qui ai changé.

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Superchargé vole au ras de la piste de danse, de la rue comme cible d'un sniper enfin réalisé par la guerre comme à la télé, la télé où l'on peut lire les premières pages des journaux, les premières pages des journaux où l'on peut voir ce qu'il y aura à la télé — où il est question de danse dans différentes capitales européennes, cependant que nos maîtres se demandent les uns aux autres ce qu'ils ne vont pas faire pour ou contre la guerre, on ne sait plus.

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore…

Je mange des champignons de Paris, des piments rouges au vinaigre et du vollkornbrott — me souviens aussi la lumière floue et jaunâtre d'une ampoule au Fréon dans un abat-jour de papier chinois — assaisonnés de vapeurs d'encens de mauvaise qualité : celui-ci me rappelle une chambre sordide où j'ai survécu quelques mois de mendicité — quand j'aurais plus d'argent, j'achèterai celui qui m'évoque ma chambre d'adolescent, j'y avais chaud et je n'avais pas faim, si j'y étais malheureux, cela me semble saugrenu maintenant, après…

Céphalocoche-Grimace requiert pour qu'on l'honore que l'on s'y applique : je m'y refuse…

Dansé toute la nuit à Berlin au E-werk ; le matin en rentrant par le S-bahn, je me dessine machinalement sur la main un sourire du Cheshire et le marteau et le compas couronnés d'épis de blé.

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