"Dieu est mort, on a retrouvé son cadavre
dérivant en orbite autour de Cassiopée en 2019"
Philip K. Dick, Message de Frolix-8.





samedi 23 février 2008

8.

De l'herméneutique d'une non-intentionnelle danse -— uchronique et atopique — comme carré rouge et coins d'os enfoncés dans le sein blond de la Argentina 1997 et retour absurde à l'absurde, et au retour, aux allergies, à la non-actualisation totale du néant d'aimer et de paraître : à gauche, Faye Wong, à droite, Céphalocoche-Grimace, facile dualité, implicitement fausse, est-il besoin de s'y appesantir ?

Punaisé à un coin, le carré incline à devenir losange.

Cercle blanc, base d'un large et court cône à lumière, bras de bois mécanique, cuivre et caoutchouc, tôle peinte, vis d'acier, gaines de PVC, rondelles de bakélite, charnières de plastique, sons électroacoustiques, percussions surmixées et basses suréqualisées, courant continu de 220 volts, clous d'acier en U, mâchoire d'os et dents d'ivoire et d'émail, mains de terre et de poussière, cornes, queues, crocs, griffes, becs, ailes, tentacules, langues, tétons, bites de terre et de poussière, etc…

Retourne-moi, enveloppé : la face externe de ma peau prend l'aspect d'un Teddy Bear de latex, assis sur le cul d'un crapaud-tête-dans-le-pot, quelques bâtonnets roses à l'extrémité noircie, petit tas de cendres d'encens comme des déjections d'arénicoles, marbre gris-rose de la cheminée condamnée, fil électrique gris, entropie.

Fouille-moi, à ma recherche, au fond de mon ventre, au fond de ma conscience, au fond du monde, avec les doigts, avec la langue, avec la queue, avec des outils, avec le Verbe, en chantant, en dansant, en évoquant des images, en recréant à partir de mouvement et d'espace l'acte d'être, en puisant au profond animal — la mémoire du corps — l'élévation de l'esprit détaché parce qu'attaché.

Frappe-moi de tous les coups qui s'encaissent dans la grande angoisse de nous tous — je sais qu'au moment même où j'écris ces mots, des milliers de types comme moi torturent des milliers de types comme moi, au nom de Dieu et de l'État, ou pour s'en venger, ou pour pallier leur impuissance face à Dieu et l'État, au nom de leurs petites bites mortifiées de valets du pouvoir.

Oublie-moi dans les quinze jours, c'est mieux ça comme.

Danse-moi sur Brazil, avec un éventail pour cacher mes/tes seins, un éventail chinois noirci à l'encre, au lourd parfum d'opium ou de santal, parfait pour jouer la Argentina 1997, ou la mort de l'ours dans le ridicule, ou le dernier dandy dans son dernier rôle et sa dernière danse révolutionnaire — une dernière révolution.

Mords-moi comme je te mordrais si tu m'ôtais le mors de la bouche, comme je te mordrais si je n'avais la bouche pleine du Verbe qu'y déverse mon cerveau qui fuit dans ma bouche mes sinus ma gorge ma main le trop plein des mots que je voudrais taire, que nul ne me connaisse, que chacun m'ignore et me garde à découvrir, comme je te mordrais si je ne voyais à travers toi les barreaux de ma cage et n'avais d'autre envie que de me coucher là et mourir, comme mordrait 7-Allo ?-Populace s'il lui restait des tendons pour actionner sa mandibule hérissée de dents acérées.

Embrasse-moi ! — Avec la langue ? — Avec la langue.

Repeins-moi dans la gamme d'un Lily van der Stokker, que ma mère ne me reconnaisse pas, j'aurai rendu à l'espace ses ténèbres et déposerai mon titre de Prince de la Nuit si en échange on me promet du plaisir à dormir.

Endors-moi.

Enregistre-moi avec toutes les affres technologiques de ce monde pour me rejouer — marionnette cent fois morte et cent fois à mourir, en boucle comme Ouroboros se suce la queue, petit veinard, avec une chaîne intérieure qui le manipule de l'intérieur : où l'on envisage que c'est contraint et forcé qu'il se rejoue à l'infini — comment puis-je m'en émouvoir au bout de tes bras ?

Remixe-moi en regardant ailleurs, car c'est bien d'ailleurs que : je me nourris, je te nourris, tu me nourris — d'un ailleurs dans l'autre, celui au bout du geste, un geste qui porte un éventail devant mes/tes yeux, lèvres et dents, seins, d'abord d'un coin de l'Europe à l'autre, ensuite à l'autre bout d'un continent, enfin au-delà tous les océans, là où l'on se trouve…

Ris-moi d'être si sensible aux rythmes du jour, aux rythmes de la nuit, heurtés, hachés, en rafales et canonnades, aux bass lines viscérales, aux wood on rock on bones augmenté de métal et de silicone, tu sauras qu'il est question d'essence et de vérité pour peu qu'il puisse être question d'essence et de vérité — qu'il s'agisse d'une plaisanterie ne fait aucun doute, il s'agit donc bien d'en rire.

Agglomérats de cellulose blanchis au chlore et tavelés de signes graphiques en longues déjetées de sens, en piles sur piédestal de plastique rigide parcouru en ses composants de courants électriques subtils et modulés, qui crachent et clignotent et gémissent en chœur avec d'autres machines à produire du sens à vivre faute de sens à vivre, arbres morts, couinements d'enfants morts, rectangles morts que l'on veut pourtant parcourus de courants subtils et modulés comme machines à produire sens et déjouer l'ennui de vivre : expérience #1.

Par exemple : she — mes seins sont comme des poignées de portes de placard, on dit que l’on hésite à les ouvrir sous prétexte que je pourrais être vide — je suis une danseuse ; je parle, gémis, baille, chantonne, pleure, murmure avec une voix de fée et disparais, bon.

Ressemble-moi dans tes lamentations sur toi-même et ton beautiful self à partager, ou cette réelle émotion d'une après-midi, quand tout était parfait, dans le frémissement d'un sanglot discret, spontané et sincère, dans la lumière riche fractionnée par les quatre faces d'un million de brins d'herbe, dans ce qui fut avant et ne fut pas après — un peu la vie.

Hulule-moi comme animal nocturne aux lourdes vibrations de nuits opposées, comme je me retrouve de l'une à l'autre dans une sempiternelle solitude, quand tout ce qui traverse la nuit me frôle et me caresse, jamais moins, jamais plus — comme je pourrais tout aussi bien m'habituer maintenant à m'envelopper dans la membrane de mes ailes et me suspendre à la charpente de mon grenier pour y attendre la fin du jour, who cares ?

D'ailleurs, mords-moi encore.

Lèche-moi où je suis humide, il y a une loi de contiguïté en cela, soulève-moi de la langue muette qui ne chantera jamais aussi bien qu'elle ne me fait chanter, serais-tu Lisa Gerrard ou Brendan Perry — que l'on me dise pourquoi ne pas le faire !

Opère-moi plastiquement que mes ex m'oublient une fois pour toute, qu'ils/elles ne me réclament plus ni argent ni attention, le mur de briques noires en face de ma fenêtre est le plus beau paysage et je vais aller danser cette nuit dès que l'anesthésie aura cessé de faire effet.

Entérine-moi d'ailleurs dans ma routine post-human hors démarche, changer de nom et de couleur d'yeux, se défoncer à l'endorphine post-effort, sourire et souffrir, se gratter sous les pansements, puiser chez Nietzsche l'envie de se percer la narine gauche et chez personne pour la droite, douter.

Jugule-moi quand je projette de construire, quand je me leste d'un paysage, quand je rameute mes troupes pour prendre d'assaut la maison voisine, quand j'imagine être quelqu'un d'autre, quand je laisse tomber mes graines à mes pieds, quand je m'assieds au soleil à la terrasse d'un café et que je regarde passer les petites filles en me disant qu'il y en a peut-être une qui…

Gêne-moi : il se pourrait que je me sente libre, serein, léger, heureux, autonome, ouvert, spontané, puissant, subtil, alerte, enjoué, paisible, maître de moi-même et de mon destin ou quelque chose comme ça — comment accepter cela ?

Pèse-moi ou l'une de mes dix-sept âmes ou toutes les rognures d'ongles que j'ai retournées à Maman-la-Terre ou les trois kilos de poussière de mes enfants de poussière auxquels ni le travail de mes mains ni celui de mon esprit n'a ajouté le moindre gramme ou le froid de ma nuit seul ou les trous dans ma peau où j'accroche des anneaux de métal ou…

Expose-moi à la Documenta X — mais je sais que je n'y étais pas ; expose-moi à la Documenta XI — mais je sais que je n'y étais pas ; expose-moi à la Documenta XII...

Oriente-moi, vers l'orient, comme on cloue toile à son châssis — puisse-t-il y avoir sur ma route un désert où me perdre et rencontrer quelque Véritable pour m'offrir thé et regard, me tendre un miroir où me perdre et rencontrer le corps reconstitué de mes déjections qu'il me faudra affronter pour finir au pied de la Grande Muraille et m'y perdre mieux.

Perds-moi dans les méandres de mes refoulements à la poursuite de la Argentina 1997 ou du mirage suivant et/ou précédent, volé, acheté, trouvé, emprunté, gagné, détourné, recueilli, accepté, approprié, accaparé, imposé, propagé — avatars et panthéon dont Faye manifeste le paradigme, aujourd'hui et dans les siècles et les siècles qui me restent à en survivre.

Lapide-moi que je me reminalise : ta roche aérienne à mon osmose implose en verbe frétillant et mon ventre bleu mâche et mâche et mâche et mâche et mâche et mâche et mâche et il aime ça et vire planète à volcans avec nappes de basses, gargouillements de timbales et lames de cuivres en ballets dans l'atmosphère reconstituée autour de ma nouvelle gravité — centripète et avide, pourtant en réserve l'envol de spores à venir et les trajectoires chromées d'aspirations douloureuses ; un univers en formation et sa musique.

Pisse-moi dessus bleu, jaune, vert, blanc, noir, orange, violet, rose, rouge, gris, marron… et plein d'autres couleurs !

Surfaces délimitées de lignes souvent droites, parfois courbes, toujours régulières, comme pauvres, compositions vaguement fractales, dans l'indifférence mais ordonnatrices de l'univers perçu, pensé, transposé et transporté comme électricité au repos sur des planches — une fois ou deux embrayeurs, cuillères catalytiques pour pensée, et maintenant ancrages géométriques et matériels d'un rebut d'écume douteuse, ambiguë, impudique, dont on fait un maquillage révélateur : expérience #2.

What’s wrong with the sea ?” Il/elle l’a entendu en rêve, ça au moins c’est du concret, ducon.

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