"Dieu est mort, on a retrouvé son cadavre
dérivant en orbite autour de Cassiopée en 2019"
Philip K. Dick, Message de Frolix-8.





samedi 23 février 2008

5.

Trop concret : dansé toute la nuit à Amsterdam sur le trance-core live act de SigMoon , trop concret, abandonné lambeaux de mon rapport au réel aux talons de cette petite Chinoise percée restée à A'dam alors que m'évanouissais — elle dansait étrangement, comme à reculons, ancrée dans un sol mouvant, ligne tracée sur le sol.

Trop concret : dissipé de mes trente ans au contact ténu d'une petite Chinoise ensuite évanouie ; inondé les draps noirs de mon lit noir de sperme et de sueur, stupide galop immobile vers cette elle, trop concret, lent stroboscope, ligne tracée sur le sol.
Trop concret : danser, passer d'un pied sur l'autre, osciller d'un pied sur l'autre, doubler le beat sur chaque pied, le quadrupler des mains, déplacer cette frénésie dans des mouvements complexes de bras et de tronc, y introduire des breaks, des hiatus, fausses errances habilement rattrapées, vrais lâchés instinctifs, trop concret, se perdre, ligne tracée sur le sol.

Trop concret : comme elle danse, cette petite Chinoise, mouvement circulaire des épaules vers l'arrière, recul d'un pied, flexion des genoux, regard vers le sol, puis jaillissement de tentacules griffus qui me déchirent dans une indifférence générale et justifiée, la mienne y comprise, trop concret, se ressaisir, ligne tracée sur le sol.

Trop concret : Inu de Mami Chan , comme le poison dans l'oreille d'un roi.

Trop concret : trop vécu, trop ressenti, trop sincère, trop souffert, trop cicatrisé, trop cristallisé, trop projeté, trop sublimé, trop indifférencié, trop fétichisé, trop référencé, trop émotionnel, trop refoulé, trop réel, trop concret, trop vécu, tropisme, ligne tracée sur le sol.

Trop concret : cherche encore et toujours les témoins de mon existence ; ai-je fait qu'elle a existé, cette petite Chinoise percée — elle ressemble trop à celles que je dessine —, lui ai-je apporté un peu d'essence, comme témoin, martyr ténu, silhouette indifférenciée et gesticulante dans pénombre paradoxale déconstruite par stroboscope, trop concret, Nosferatu-Ersatz-de-Poche comme m'est Céphalocoche-Grimace sur l'étagère, ses orbites vides : qui regarde qui, ligne tracée sur le sol ?

Trop concret : doinellisé moi aussi, avec autre chose aussi, un pied déchaux, dictionnaire dans la main, puis tablette, puis pierre, puis marteau, puis lame, puis carte, puis suspendus à des crochets eux-mêmes rattachés à des languettes de peau vive, comme bijoux de métal ornent ma peau vive, comme chante ou danse ou m'évanouis, ou m'enveloppe de peau morte, de chants morts, de danse morte, danse d'hier évanouie, comme petite Chinoise percée évanouie, un peu morte, morte d'hier, comme moi mort d'hier, comme métal mort en peau vive, comme moi vivant de métal en peau vive, comme moi mort de métal en peau vive de petite Chinoise percée de métal en peau vive, comme mort de métal, comme ligne tracée sur le sol.
Trop concret : exosquelette dégingandé de dure jouissance et de douce et facile désespérance, à la lueur d'un lent stroboscope, tout de mouvements assenés par les marteaux d'un sound system trop efficace, trop concret, les filles d'Amsterdam sont belles et aiment danser, les battements de leurs ailes s'entrechoquent et s'annulent sauf un en résonance qui brise acier bleu et béton armé de métal, maintenant tout est calme, ligne tracée sur le sol : dans le langage de chasse des tribus pygmées, la ligne tracée sur le sol représente le serpent — le serpent trajectoire danse baise s'inscrit.

Trop concret : écrire.

Ai fabriqué cette nuit dansée à A'dam avec petite Chinoise percée dansant comme à reculons pour que pénètre en moi-même, comme bite dans cul, comme l'ai vécue, sans fumer ni boire, ni ecsta (arrivé trop tard), comme serpent dans vagin, comme tous mes bras dans tous les trous comme, comme gestes branlant le clitoris de la danse comme, comme bête conjonction dans trou du cul de l'être, avec triste ironie et doux renoncement et âge triste et doux chœur funèbre et triste érection et douce complaisance et vieillissement et cela mérite une chanson que je ne saurais écrire, bien que je vais essayer et rater mon coup : "Le sommeil du moi
Est une petite Chinoise percée
Croisée une nuit à Amsterdam
Ne s'est aperçue de rien (trop concret).

Céphalocoche-Grimace regarde à gauche

Le sommeil du moi
Se construit sur des rythmes martelés
Dans l'air puant du temps
Ne s'est aperçu de rien (trop concret).

Céphalocoche-Grimace regarde à droite

Le sommeil du moi
S'invente en dépit
Elle
Ne s'est aperçue de rien (trop concret).

Céphalocoche-Grimace regarde devant

Le sommeil du moi
Est un dictionnaire
Et ses métamorphoses multiples le long d'une chaîne
Ne s'est aperçu de rien (trop concret).

Céphalocoche-Grimace regarde derrière

Le sommeil du moi
Une facilité et un bon mot
En attendant la fin, faute de finalité
Qu'on aperçoit de rien (trop con).

Céphalocoche-Grimace regarde à l'intérieur, ce qui lui est facile, et ce qu'il voit n'est pas joli-joli !"

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